← Terug naar alle artikels

La retraite difficile, mais nécessaire de l’État tentaculaire

(Opinion – L’Echo du 22 juin 2021 )

Cette sortie de crise du coronavirus doit nous servir à revoir et améliorer le fonctionnement de notre État. Une politique de relance basée sur des investissements massifs publics ne suffit pas. Le marché libre doit être le moteur de la reprise

Supposons que quelqu’un vous ait prédit il y a un an et demi que vous ne pourriez pas voyager ou aller au restaurant pendant plus d’un an à cause d’une maladie contagieuse. Que vous deviez rester à un mètre et demi les uns des autres, être rentré chez vous au plus tard à minuit et en tant qu’entrepreneur, fermer votre entreprise en échange d’une aide financière; vous l’auriez cru fou. Et pourtant, c’est exactement ce qui s’est passé. Jamais dans les temps modernes un gouvernement ne s’est autant incrusté dans notre vie personnelle. Jamais auparavant un gouvernement n’a déterminé pour vous ce qu’est une “bonne vie” et de quelle façon elle se doit d’être menée.

La condition humaine

Aujourd’hui, alors que toutes les courbes s’affichent à la baisse, il y a lieu d’engager une réflexion. Le livre “De fatale staat” de Paul Frissen, professeur néerlandais en Administration publique est une source d’inspiration utile à cet égard. Selon Frissen, nous chérissons actuellement l’illusion que la malléabilité de notre société est infinie. Nous voulons donc éliminer toute malchance et toute souffrance de nos vies. C’est un effort vain, car la souffrance fait partie de la condition humaine. Défiée par le populisme, la politique resserre son emprise sur la société. D’après Frissen, le résultat n’est pas très prometteur: “Le rêve moderniste de la malléabilité a viré au cauchemar d’un état fatal omniprésent”.Le strict respect du principe de précaution a conduit à des restrictions drastiques des libertés individuelles.Partager surTwitter


Le strict respect du principe de précaution a conduit à des restrictions drastiques des libertés individuelles. Selon les modèles des virologues, une vie sociale plus intense aurait entraîné un nombre de victimes exponentiellement plus élevé. En conséquence, la vie sociétale a dû être temporairement presque réduite à néant. En contrepartie le gouvernement a distribué de nombreuses compensations financières, et ce de façon assez uniforme. Tous ces efforts ont contribué au ralentissement de la pandémie, tout en entraînant beaucoup de misère sociale cachée ainsi que de nombreux effets secondaires négatifs sur le plan économique et budgétaire qui n’ont pas encore été suffisamment cartographiés.

Un plan de relance ne suffit pas

Le Covid-19 n’a fait qu’accélérer une évolution déjà engagée depuis des années. Chaque crise ou catastrophe est invariablement suivie d’une réaction pavlovienne dans laquelle la presse et les politiciens disent: “plus jamais ça”. On cherche le coupable. Après plusieurs années de gel, un train de réformes est mené à un rythme effréné. On a montré “qu’on y travaille”. La conséquence ultime de cette méthode est un appareil d’État si vaste qu’il ne peut plus distinguer les tâches essentielles, encore moins les exécuter. La société fait peser tous les risques sur l’État, car les politiciens prétendent avoir la solution. Bien sûr que non. De cette façon, la politique démocratique organise sa propre perteLa forte croissance des partis populistes sur la scène politique n’est donc pas surprenante.

Utilisons dès lors cette sortie de crise du coronavirus pour revoir et améliorer le fonctionnement de notre État. Il faut plus qu’une politique de relance basée sur des investissements massifs publics. Il faut huiler notre marché du travail pour arriver à un taux d’activité de 80% au lieu des 70% actuellement. Cela signifie revoir progressivement tous les régimes d’indemnisation en cas de non-travail et faire réintégrer au maximum les absents de longue durée. Actuellement ces derniers font face à des barrières financières et structurelles pour retrouver du travail en fonction de leur disponibilité et capacité.

Une certaine gauche ne voit le salut que dans une augmentation sans limites des dépenses gouvernementales. Soutenue par le battage médiatique entourant la théorie monétaire moderne, cette gauche semble penser que l’argent pousse sur les arbres. Cependant, la vraie solution durable réside dans un rôle plus restreint de l’État pour permettre au marché libre d’être le moteur de la reprise.

Passons au peigne fin les dépenses de notre gouvernement. Cela nous aidera à mettre de l’ordre dans le budget, d’engager une réforme fiscale équitable et également de créer un espace politique pour tirer des leçons des erreurs commises pendant la crise du coronavirus.

Il convient également d’avoir une réflexion approfondie sur le droit d’un gouvernement de s’immiscer dans la vie privée de nos concitoyens. Pour cause de pandémie, des mesures jugées impensables jusque-là, telles que le couvre-feu ont été imposées brusquement. On ne peut pas glisser plus loin sur ce plan dangereusement incliné de restriction des libertés civiles.

Mais surtout, la politique doit définir clairement ce qui est dans ses capacités et ce qui ne l’est pas, et par la suite, agir en conséquence. Faute de quoi, un jour l’attrait totalitaire ne sera plus inconcevable. Non seulement l’État n’est pas le mieux placé pour tout prendre en charge, mais “l’écart de livraison” grandissant entre promesses excessives et résultats effectifs permet que le malaise de la population envers les gouvernants ne cesse de s’incruster. Le maître-stratège von Clausewitz a écrit “que la retraite est la plus difficile de toutes les opérations”. Pourtant, ce retrait du pouvoir public est indispensable pour regagner la confiance des nombreux citoyens enclins aux slogans faciles des populistes.

Par Christian Leysen, entrepreneur et député Open VLD.