Sans réformes, la politique de relance reste une boîte vide
Après la crise du coronavirus, 2021 doit être l’année de la résurrection économique. Le gouvernement fédéral a, à juste titre, de grandes ambitions pour remettre notre pays sur les rails. Des discussions sont avec les entités fédérées en ce qui concerne la distribution de 5,9 milliards d’euros de subsides européens pour soutenir la reprise sont heureusement terminées. Mais le vrai défi, c’est d’aller bien plus loin que la distribution des fonds. Plutôt que de s’enliser dans des discussions sur quele instance et quel projet recoit quelle part du gâteau, le débat sur la relance devrait avoir comme finalité la relance de l’activité économique sur tous les fronts. Comment surmonter la crise du coronavirus et la transformer en opportunité vers un pays qui fonctionne mieux et qui crée des possibilités pour tout un chacun désireux d’aller de l’avant?
Le plan de relance économique proposé par la Commission européenne ne donne d’ailleurs pas de chèque en blanc aux états membres. Les fonds européens seront investis dans la reprise écologique et dans l’innovation. L’accent sera mis sur les investissements dans les infrastructures publiques qui ne constituent aujourd’hui que 2,3% du PIB (par rapport à 4% en France et 3,9% aux Pays-Bas). Entre 1970 et 2015 les investissements publics ont chuté de moitié. Lors des conclaves budgétaires des années 80, les investissements publics étaient à tous les coups les premiers à avoir les ailes rognées.
De toute évidence il faut investir davantage dans les infrastructures publiques. Avant de faire un choix, il y a lieu d’examiner leur effet multiplicateur. De toute évidence, il ne peut pas s’agir de subventions de fonctionnement cachées. Une vision stratégique globale est essentielle pour réaliser des investissements ciblés. Le plus grand besoin concerne les investissements dans l’efficacité énergétique, les transports durables, l’atténuation du changement climatique et les infrastructures numériques.
La politique de relance demandera du courage pour – enfin – réformer notre marché du travail. La Commission européenne en a d’ailleurs fait une condition sine qua non pour accorder le financement de notre plan de relance. Cela a du sens: la croissance économique d’un pays est jugée à la fois sur l’augmentation du volume de travail (le nombre de personnes actives mesurées en nombre d’heures travaillées par habitant) et sur la croissance de la productivité. L’augmentation de l’âge effectif de la retraite, de la part de la population active et du nombre d’heures travaillées par salarié, ne sont que quelques pistes pour réaliser ce changement. Certes, la Belgique a une marge de progrès dans ce domaine, mais sa capacité de croissance n’est pas non plus infinie. C’est pourquoi la valeur ajoutée par unité de travail et par unité de capital doit également augmenter.
Au cours de la période 2000 – 2018 le taux de croissance de la productivité de l’économie belge était supérieur à celui de la zone euro, mais en dessous du niveau de celui des principaux pays voisins. La croissance a fortement ralenti au cours des 20 dernières années. La part du secteur des services dans la croissance économique du pays a fortement augmenté, tandis que la productivité a augmenté surtout dans l’industrie manufacturière où les économies d’échelle sont plus faciles à réaliser. Enfin, il existe une faible intensité d’innovation dans le secteur public où la productivité peut clairement être encore améliorée.
La productivité est bien entendu également largement déterminée par la législation. Notre législation sur le travail de nuit par exemple, stipulant que le travail de nuit commence à 20 heures au lieu de minuit comme c’est le cas dans les pays voisins. C’est un désavantage concurrentiel. Nos voisins du nord en ont fait bon usage en construisant des centres de distribution juste de l’autre côté de la frontière belge, nous mettant ainsi à la traîne dans le domaine du e-commerce. Pourquoi ne pas enfin convertir une partie de l’indemnité de licenciement en “budget formation” afin de renforcer l’employabilité sur le marché du travail, comme l’a indiqué à plusieurs reprises le Conseil National du Travail.
Un autre élément est le manque de mobilisation de capitaux privés. Le montant total de l’épargne des ménages n’a jamais été aussi élevé. Si les revenus sont restés garantis, les confinements et l’angoisse d’un avenir incertain ont freiné la consommation. Pour un impact maximum, la politique de redressement doit inspirer confiance aux consommateurs et les inciter à réellement investir dans la reprise au lieu de placer leur argent sur des comptes d’épargne, par exemple par l’émission d’obligations d’Etat vertes (Green OLO), le soutien au secteur de la construction, par la mise à jour de la loi Cooreman – De Clercq ou encore, par la réduction (temporaire ou non) du précompte immobilier.
Si nous voulons mettre sur pied une solide politique de relance, nous devons non seulement investir, mais également réformer. Les ressources sont rares et en tant que petit pays, il nous est impossible d’être un acteur mondial sur tous les fronts. Dès lors, nous devrons nous concentrer sur les fers de lance de notre économie et faire des choix bien réfléchis. Concentrons-nous sur des projets qui accélèrent la transition énergétique et dans lesquels l’expertise des éntités fédérées permet d’avoir un impact global. Commençons à réformer le marché du travail pour créer des emplois tournés vers l’avenir. Si les partenaires sociaux veulent maintenir à l’avenir notre modèle de concertation, il est grand temps pour eux de sortir de leur propre ombre. Seul un leadership responsable et des choix réfléchis suivis d’action nous feront sortir de cette crise hors-pair.
Christian Leysen, Entrepreneur Benoît Piedboeuf
Membre du Parlement fédéral Open Vld Chef de Groupe MR à la Chambre