A la recherche de 8 milliards après 200 jours sans gouvernement : il est temps d’agir !
Ce mardi 9 juillet, la Belgique passera le cap des 200 jours sans gouvernement fédéral de plein exercice. Même si le record de 541 jours de 2011 est provisoirement hors de portée, la durée excède déjà le temps de formation d’un gouvernement en 2007. La Commission des Finances et du Budget de la Chambre se penchera aujourd’hui pour accorder les douzièmes provisoires afin d’assurer le bon fonctionnement de l’état fédéral. Certains spécialistes argumenteront à nouveau que ces longues périodes de douzièmes provisoires sont des mesures cachées d’économies.
En tant que nouveau député fédéral et au nom des prochaines générations qui hériteront la facture budgétaire, je m’oppose fermement à ce discours simpliste. En même temps je me demande combien de réformes auraient pu être réalisées pendant ces presque mille jours manqués durant ces trois périodes sans gouvernement de plein pouvoir afin d’assurer notre sécurité sociale à long terme et garantir un meilleur fonctionnement de nos structures de gouvernement dans l’intérêt de tous.
De prime abord tout a l’air de fonctionner plutôt avec un déficit budgétaire de 0,7% en 2018, tout en maintenant un ratio d’endettement de 102%. Toutefois la triste réalité est que la Belgique danse encore et toujours au bord d’un volcan budgétaire. Le déficit budgétaire – sauvé l’an dernier par des rentrées exceptionnelles provenant de l’impôt sur les sociétés – risque de se creuser à 1,6 % cette année. Autrement dit, il manque 8 milliards d’euros au niveau fédéral pour atteindre un équilibre budgétaire. Ne parlons même pas de réduire l’endettement à 60 % du PIB comme demandé par l’Union Européenne. En plus, la semaine dernière la sécurité sociale a annoncé que pour boucher le trou dans le budget il faudrait au bas mot un milliard et demi d’euros. A la fin de l’année dernière la Belgique a demandé à l’Europe dans le cadre du tax shift la permission d’étaler 0,5 % du PIB en économies sur une période plus longue. Cela ne sauve pas les meubles. Malheureusement, nous nous trouvons au niveau budgettaire en compagnie peu flatteuse de la Grèce, l’Italie et l’Espagne
Le gouvernement de la coalition suédoise a indéniablement contribué à la réduction du déficit budgétaire mais n’a pas pu terminer son travail Dès lors on constate que le solde primaire (le résultat budgétaire sans l’intérêt de la dette) ne s’est pas suffisament amélioré au cours de cette législature. Le gouvernement a pu surfer les vagues de la haute conjoncture avec des taux d’intérêt bas, mais n’a pas réalisé des réformes radicales. Le tax shift a créé une marge de manœuvre bien temporaire, avec le risque d’occulter le vrai défi budgettaire. A cause de l’attentisme, notre avenir risque gros. Un Brexit dur, un climat commercial international turbulent, les risques d’une baisse significative de l’économie ainsi qu’une potentielle hausse des taux d’intérêt pendent comme l’Epée de Damoclès au-dessus de nos finances publiques. Et contrairement à la précédente crise de formation de gouvernement de 2011, l’Europe est plus armée à nous mettre sous tutelle.
Notre devoir dans ce pays est de procéder à des réformes structurelles dans une perspective à long terme afin de mettre nos finances publiques à jour et de parvenir à une croissance économique durable. Cela signifie tout d’abord un marché du travail plus flexible dans lequel les structures de dialogue social du 20ème siècle sont remplacées afin de faciliter l’économie du 21ème siècle. Le taux de croissance de 2% du PIB devient de plus en plus difficile à atteindre en raison du vieillissement de la population. Nous avons besoin d’inclure le plus de monde possible dans le marché de l’emploi. En même temps, notre appareil gouvernemental doit être soumis à un examen rigoureux pour un meilleur fonctionnement à meilleur coût. Plus le temps de peaufiner, il faut arrêter la prolifération institutionnelle dans notre pays. Ce n’est qu’en se débarrassant des tâches non-essentielles et par l’abolition d’institutions superflues telles que le Sénat et les Conseils Provinciaux que nous saurons créer l’espace nécessaire qui nous permettra de ramener notre niveau d’investissement à la moyenne européenne et d’évoluer vers une économie viable dans un pays doté d’un appareil étatique acceptable.
Mieux vaut réparer le toit quand il fait beau. Il est grand temps pour ce pays de mettre la main à la pâte des réformes. Et faisons ça nous-mêmes, sans que l’Europe ne vienne nous dicter comment faire. Bien sûr, il faut du temps pour permettre à de nouveaux gouvernements solides de s’installer, mais cela ne justifie pas l’immobilisme. Après 200 jours sans gouvernement de plein exercice, il est grand temps de s’y mettre. Le parlement doit saisir sa chance et prendre des initiatives dans la mesure du possible pour mettre les réformes sur les rails. Pour que nos enfants et nos petits-enfants n’aient pas à en payer la facture. Discuter des options et proposer des pistes au-delà des clivages des partis n’est plus seulement un privilège du Parlement; aujourd’hui, sans gouvernement de plein pouvoir, c’est devenu une obligation.
Christian Leysen Membre de la Chambre des Représentants pour Open VLD